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Géorgie et France : Akaki Tchenkéli (1874-1959), homme d'Etat transcaucasien


AKAKI CHKHENKELI OU TCHKHENKELI
jeudi 1er février 2007, par Mirian Méloua

Akaki Tchenkéli est né en 1874 à Khoni (ou le 19 mai 1880 à Okoumi selon les sources) dans une famille noble. Il est tour à tour diplômé des universités de Kiev, Berlin et Londres, en droit et en littérature.

Il épouse Makriné Tourkia, née le 24 juillet 1880, à Soukhoumi. Ils adoptent, le 27 septembre 1910, devant le Tribunal civil de Tiflis, Alexis né le 1er juillet 1905 à Okoumi (1).

 

La politique


En 1898, Akaki Tchenkéli rejoint le mouvement social-démocrate.

En 1903, il prend parti pour la tendance menchévique.

En septembre 1912, il est élu député à la IVème Douma de Saint Petersbourg accordée par le tsar Nicolas II.

A l'étranger, il représente à plusieurs reprises la fraction menchévique du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, dans lequel s'est fondu le Parti ouvrier social-démocrate géorgien (2).

 

L'homme d'Etat transcaucasien


En février 1917, il est membre du soviet de Tiflis et en juin, de l'Assemblée provisoire russe.

En novembre 1917, il devient ministre des Affaires étrangères du Haut Commissariat à la Transcaucasie (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie), qui déclare vouloir rester dans la Russie sans reconnaître l'autorité bolchévique ("ligne politique dite russophile" selon certains observateurs de l'époque).

Le 10 février 1918, une Assemblée provisoire de Transcaucasie (le Sejm, présidé par Nicolas Tchéidzé) est réunie à Tiflis : elle déclare, elle aussi, vouloir rester dans la Russie sans reconnaître l'autorité bolchévique. Le même jour, l'Empire ottoman lui envoie des propositions de négociation. Le 17 février, Lénine lui fait envoyer par Lev Karakhan (représentant soviétique aux négociations de Brest-Litovsk entre la Russie bolchévique et l'Empire allemand), une dépêche informant que sont cédés à l'Empire ottoman les districts géorgiens d'Ardahan, d'Artvin et de Batoumi et le district arménien de Kars (3).

Le Sejm désigne Akaki Tchenkéli pour conduire une délégation transcaucasienne : elle déclare ne pas reconnaître le traité de Brest-Litovsk et vouloir conserver ses frontières de 1914.

Le 4 mars, à Trébizonde, les négociations entre l'Empire ottoman et la Transcaucasie s'engagent. Les représentants ottomans considèrent à la fois que le traité de Brest-Litovsk est valide (donc que l'autorité bolchévique s'exerce sur la Transcaucasie) et que la Transcaucasie doit proclamer son indépendance (donc que l'autorité bolchévique ne s'y exerce plus).

Le 26 mars, ils envoient un ultimatum demandant l'évacuation d'Ardahan, d'Artvin, de Batoumi et de Kars. Coupé de toute communication avec Tiflis, Akaki Tchenkéli prend sur lui d'accepter. Il sait que sa position n'est pas celle pour laquelle il a été mandaté. Au contact des officiels allemands, présents à la conférence, il a acquis deux convictions. D'une part, la Transcaucasie ne peut plus se réclamer d'un Etat qui n'existe plus : elle doit se séparer de la Russie bolchévique. D'autre part, en l'absence du contrepoids russe, la Transcaucasie ne pèsera pas lourd face à l'Empire ottoman : l'Empire allemand est le seul recours ("ligne politique dite germanophile") (4).

Le 31 mars, le Sejm désavoue sa délégation. Les troupes turques avancent en Géorgie : Batoumi est pris le 1er avril.

De retour à Tiflis, Akaki Tchenkéli réussit à convaincre une majorité de chefs de file sociaux-démocrates transcaucasiens ; beaucoup de nationalistes l'étaient par avance. Le 9 avril, la Sejm proclame l'indépendance de la République démocratique fédérative de Transcaucasie : il remplace Evguéni Guéguétchkori à la tête de l'exécutif.

Le 10 avril, une nouvelle conférence s'ouvre à Batoumi avec les représentants ottomans, en présence de représentants allemands et autrichiens : Akaki Tchenkéli accepte une nouvelle fois les conditions de Trébizonde. Le 14 avril, il donne l'ordre aux troupes arméniennes et russes du général Nazardekov d'évacuer le district de Kars au profit de l'Empire ottoman, au mécontentement de la France et de la Grande-Bretagne.

Début mai, de nouvelles revendications ottomanes apparaissent concernant les districts d'Akhaltsikhé, d'Akhalkalaki, d'Alexandropol et le chemin de fer d'Alexandropol à Djoulfa, afin de prévenir tout mouvement armé hostile.

Les intérêts divergents des musulmans azéris (sensibles aux positions ottomanes), des représentants arméniens (profondément hostiles ä l'Empire ottoman qui occupe leur territoire) et des représentants géorgiens (cherchant la protection de l'Empire allemand vis-à-vis de l'Empire ottoman) s'affrontent au sein même de la délégation et conduisent à l'éclatement de la République démocratique fédérative de Transcaucasie.

 

L'homme d'Etat géorgien


Les différentes négociations menées avec les représentants allemands aboutissent à une protection de fait de la Géorgie.

L'Empire allemand est l'une des premières puissances à reconnaître la Ière République de Géorgie, proclamée le 26 mai.

Akaki Tchenkéli est nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Noé Ramichvili.

Le 13 juin, il lui fait diffuser le communiqué suivant :

"Le gouvernement géorgien fait savoir à la population que les troupes allemandes arrivées à Tiflis, ont été invitées par lui, et qu'elles ont pour but de défendre les frontières de la république géorgienne conformément aux instructions du gouvernement géorgien".

Akaki Tchenkéli est reconduit dans le premier gouvernement de Noé Jordania en juillet 1918.

Il devient ensuite ministre plénipotentiaire en Europe : en octobre, de Berlin, il fait dire par le publiciste Niko Nikoladzé que la victoire allemande est probable et encourage Tiflis à poursuivre ses orientations de politique étrangère.

En décembre 1918, de Berlin, il s'oppose à toute conciliation avec Dénikine, général d'une armée russe tsariste, soutenu par les Britanniques présents militairement en Géorgie depuis le départ des armées allemandes.

Akaki Tchenkéli est élu député à l'Assemblée Constituante géorgienne début 1919. Il reste ministre plénipotentiaire et est en poste à Paris à partir de janvier 1921.

 

L'émigration


En mars 1921, après l'invasion de la Géorgie par l'Armée rouge, il se joint à l'émigration des autres dirigeants politiques géorgiens.

En 1927, il est l'un des sept membres initiaux de la Société civile immobilière propriétaire de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie, à Leuville-sur-Orge, aux côtés de représentants sociaux-démocrates, nationaux-démocrates et sociaux-fédéralistes (5).

Akaki Tchenkéli meurt à Paris en 1959. Il est inhumé au "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge (6) ; son épouse Makriné (1880-1967) le rejoindra quelques années plus tard. Son fils Alexis (1904-1985), saint-cyrien, colonel de la Légion étrangère et ancien des Forces Françaises Libres, repose également dans ce "carré géorgien" .

En 2005, ses petits-enfants, Thamar et Guivi, seront les premiers à signifier au président Mikheïl Saakachvili qu'ils souhaitent le retour à l'Etat géorgien de la résidence d'exil en France de la Ière République de Géorgie (7).

 

Notes


(1) Géorgie et France : Alexis Tchenkéli (1904-1985), officier de la Légion étrangère.

(2) Akaki Tchenkéli aurait du représenter le P.O.S.D.R., avec Axelrod, Kameneff et Roubanovitch, au Congrès socialiste international (IIème Internationale) de Vienne du 23 au 29 août 1914 ; ce congrès fut annulé suite au déclenchement de la Première guerre mondiale. Il avait été précédé d'une réunion du Bureau socialiste international, à Bruxelles, du 16 au 18 juillet 1914 ; "l'unification des sociaux-démocrates en Russie" avait été débattue en vain tant les positions des partisans de Lénine (dictature du prolétariat) et celles des partisans de Plékhanov (pouvoir parlementaire) étaient éloignées.

(3) Lors de la campagne militaire de 1914 / 1915, les troupes tsaristes commandées par le général Lébidinski avaient infligé une sévère défaite aux armées ottomanes : elles tenaient non seulement la frontière d'avant la guerre, mais s'étaient enfoncées profondément sur le territoire de l'Empire ottoman. La paix séparée de Brest-Litovsk entre la Russie bolchévique et l'Empire allemand permet aux représentants ottomans non seulement de récupérer leur territoire, mais de pouvoir annexer des territoires transcaucasiens.

(4) La délégation transcaucasienne à Trébizonde est partagée quant à la réponse à apporter à l'ultimatum ottoman. Les représentants arméniens et géorgiens (dans leur majorité) sont favorables au maintien de la Transcaucasie dans une Russie libérée des bolchéviques et de ce fait rejettent la position ottomane. Les représentants musulmans (à dominante azérie) et le représentant nationaliste géorgien sont favorables à la proclamation de l'indépendance de la Transcaucasie et acceptent la position ottomane comme base de négociation.

(5) Leuville-sur-Orge : la petite Géorgie.

(6) en 2005, Guivi Tchenkéli, musicien, fera don d'instruments à l'Ecole de Musique de Tbilissi lors d'une cérémonie présidée par la ministre géorgienne des Affaires étrangères de l'époque, Salomé Zourabichvili.

(7) Le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.

 

Sources multiples


-  Archives familiales

-  Archives de l'Office des réfugiés géorgiens en France

-  Géorgie, bibliographie : histoire, témoignages et romans historiques

-  Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.

Remerciements à Thamy Tchenkéli, sa petite-fille

 

Voir aussi


-  Géorgie : les partis politiques avant 1991

-  La Ière République de Géorgie (1918-1921)

-  La Ière République de Géorgie en exil en France

-  photographie d'Akaki Tchenkéli aux obsèques de Nicolas Tchéidzé, en 1926 à Paris

http://www.samchoblo.org/agf_gouver....



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