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Géorgie et France : Grigol Ouratadzé (1880-1959), secrétaire d'Etat


GREGORY OU GREGORII URATADZE
mardi 14 septembre 2010, par Mirian Méloua

Grigol Ouratadzé, appelé familièrement Gricha, est né en 1880 en Géorgie.

Il s'engage très jeune dans le mouvement social démocrate et milite dans la clandestinité pour les thèses menchéviques (assemblée constituante et régime parlementaire) en opposition aux thèses bolchéviques (dictature du prolétariat par l'intermédiaire du Parti communiste).

En avril 1903, il est arrêté par la police tsariste et enfermé à la prison impériale de Koutaïssi pour activité subversive.

A partir du 10 avril 1906, il participe au IVe Congrès socialiste de Stockholm avec 105 autres délégués, menchéviques, bolchéviques, socialistes polonais et bundistes juifs : l'une des résolutions est le renoncement officiel au terrorisme.

A partir du 9 septembre 1906, il participe à la conférence sociale démocrate du Caucase qui se déroule pour partie à Tiflis et pour partie à Bakou, avec 41 autres délégués dont 6 bolchéviques.

A l'issue du vol à main armé du 13 juin 1907, à Tiflis, et qui conduit à une cinquantaine de morts, il fait état de l'exclusion du Parti social démocrate de Joseph Djougachvili, dit Sosso, dit Koba et enfin Staline, -à qui est imputé la responsabilité des évènements dramatiques- , par les commissions d'enquête dirigées par Noé Jordania à Tiflis, Silibistro Djibladzé à Bakou et Georgui Tchitchérine à l'étranger.

En 1911, en France, lors d'un entretien avec Vladimir Oulianov, dit Lénine, il rappelle au leader bolchévique les résolutions du Congrès de Stockholm et l'exclusion de Koba du Parti social démocrate. Lénine lui répond : "C'est exactement le genre d'homme dont j'ai besoin", couvrant les actions terroristes de Joseph Djougachvili et signifiant que les mencheviks (minoritaires dans la partie russe du mouvement social démocrate, mais majoritaire dans la partie caucasienne) n'avaient pas le pouvoir d'exclure un bolchevik : les bolcheviks s'étaient exclus d'eux-mêmes.

L'accord du 7 mai 1920 entre la Russie soviétique et la Géorgie

Début 1920, la situation est difficile pour la Ière République de Géorgie. Si elle a été reconnue de fait à la Conférence de la Paix de Paris et si son territoire est théoriquement garanti, "les Jeunes Turcs" de l'Empire ottoman ne l'entendent pas ainsi. De l'autre côté, un conflit l'oppose à l'Arménie sur la question des frontières. Sur le plan intérieur, les minorités abkhazes et ossètes manifestent. Restent les relations avec la Russie soviétique.

Noé Jordania, Président du Conseil des ministres, décide d'y envoyer en avril un émissaire, ce sera Grigol Ouratadzé (1), l'un de ses proches. Il est arrêté à Rostov-sur-le-Don par le Conseil militaire révolutionnaire pour le Caucase : le bolchévique Sergo Ordjonikidzé en informe Lénine et reçoit le 14 avril la réponse suivante :

... Vous pouvez dire à M. Ouratadzé en votre nom que le gouvernement ne voit aucune objection à sa venue à Moscou mais je suis pleinement d'accord avec vous qu'il n'y a aucune urgence à son départ de Rostov-sur-le-Don pour Moscou, en conséquence de quoi je compte sur vous pour fixer la date de son départ dans la plus grande discrétion ....

Arrivé à Moscou, Lénine demande à Grigol Ouratadze de négocier avec Lev Karakhan. La Russie soviétique est prête à reconnaître la République Démocratique Géorgienne à la condition que la Géorgie s'interdise le stationnement de toute armée étrangère sur son territoire.

Le gouvernement géorgien se divise sur la clause, le ministre des Affaires étrangères, Evguéni Guéguétchkori, y est est opposé.

En pleine négociation, le 3 mai 1920, les bolchéviques géorgiens tentent un coup de main sur l'Ecole militaire de Tbilissi : son directeur, le général Guiorgui Kvinitadzé, et les élèves officiers repoussent les assaillants qui sont arrêtés et emprisonnés.

Moscou affirme qu'ils ont agit sans son accord et ajoute une deuxième clause à l'accord, la légalisation d'un Parti communistre géorgien.

En définitive, le gouvernement géorgien accepte : Grigol Ouratadzé et Lev Karakhan signe l'accord à Moscou le 7 mai 1920.

L'exil

En violation avec le traité de non-agression, les armées de la Russie soviétique envahissent la Géorgie en février 1921.

Grigol Ouratadzé prend le chemin de l'exil le 17 mars avec le gouvernement.

Il rejoint bientôt la France (2).

Il meurt à Leuville-sur-Orge en 1959 et est inhumé au"carré géorgien" du cimetière communal, auprès de son épouse Ariane (1895-1955), née Tsouloukidzé, avec qui il a eu une fille, Médéa (3).

*

Il a écrit, en langue russe, un certain nombre d'articles et de livres sur le mouvement révolutionnaire en Géorgie et sur la politique soviétique des nationalités, dont

-  La République Démocratique Géorgienne, publié à Munich, en 1956,

-  Réminiscences de la sociale démocratie géorgienne, publié à titre posthume par l'Université de Standford, aux Etats-Unis, en 1968 (4).

Différents historiens se sont intéressés à ses ouvrages

-  A.O. Sarkissian "The American Historical Review" (The Founding and Consolidation of Georgian Democratic Republic), 1958,

-  Alice Pate, Associate Professor of History, Colombus State University, (Grigorii Uratadze and Georgian Mensheviks), 2006.

Notes :

(1) La photographie de Grigol Ouratadzé figure au Salon du château géorgien de Leuville-sur-Orge, comme celles des ministres et secrétaires d'Etat de la Ière République de Géorgie.

(2) Souvenir : "La vie des exilés géorgiens était encore difficile à la fin des années quarante et au début des années cinquante, dans la région de Leuville-sur-Orge, en Seine-et-Oise. Gricha Ouratadzé était employé par un "commissionnaire". Flanqué d'un chauffeur de camion, Monsieur Georges, communiste français (premier clin d'oeil de l'histoire), il ramassait plusieurs fois par semaine les récoltes de cornichons cultivés par ses compatriotes et destinés à une conserverie d'Alfortville qui fabriquait des malossols russes (deuxième clin d'oeil de l'histoire). Respecté pour son passé, respecté pour son présent, secouant son opulente chevelure blanche, il coupait court aux éventuels litiges sur les poids emportés et sur les prix accordés".

(3) Médéa Ouratadzé devient, un temps, journaliste à Radio Free Europe, à Munich, en charge d'émissions culturelles en langue géorgienne.

(4) Dans ses propos et ses écrits, Grigol Ouratadzé était convaincu que Joseph Djougachvili - qu'il avait croisé au début du XXe siècle dans l'action clandestine et dans les prisons impériales- avait travaillé avec la police secrète du tsar Nicolas II, l'Okhrana. Il rapporte plusieurs témoignages en ce sens, parfois pour dénoncer des personnes qui "gênaient" le futur Staline, dont le bolchevik Stepane Chaoumian -rival potentiel- arrêté à Bakou alors que seul Joseph Djougachvili connaissait sa cachette.

*

Sources multiples :

-  Géorgie, bibliographie : histoire, témoignages et romans historiques

-  Internet dont David Marshall Lang, Levan Urushadze, Marxists, Wikipedia.

Voir aussi :

-  Géorgie : les partis politiques avant 1991

-  La Ière République de Géorgie (1918-1921)

-  La Ière République de Géorgie en exil en France

-  photographie de Grigol Ouratadzé aux obsèques de Nicolas Cheïdzé, en 1926, à Paris http://www.samchoblo.org/agf_gouver...

-  Le "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge



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