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Rapport Bosnie-Herzégovine 1996 : le droit des minorités


jeudi 24 avril 2003

Extrait du Rapport pour 1996 du Fonds européen pour la liberté d'expression.

 

VI. LE DROIT DES MINORITES


Dans le cadre de l'ex-Yougoslavie, la B-H était la république des trois peuples constitutifs - Serbes, Musulmans (désormais appelés Bosniaques) et Croates, ainsi que des autres peuples y vivant. Après la proclamation d'indépendance de la B-H, Bosniaques, Serbes et Croates en sont demeurés les peuples constitutifs, alors que les autres ressortissants sud-slaves se voyaient attribuer le statut de minorités nationales.

Dans la constitution élaborée à Dayton, il est précisé que "la Bosnie-Herzégo-vine et les deux entités garantissent le degré le plus élevé de libertés fondamentales et de Droits de l'homme internationalement reconnus" (Article II, alinéa 1), qu'aucun citoyen en B-H "ne pourra faire l'objet d'une quelconque discrimination pour quelque motif que ce soit, tel que le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, l'association à une minorité nationale, la propriété, la naissance ou autre statut personnel."(Article II, alinéa 4). La Constitution de la Fédération de B-H mentionne elle aussi parmi les droits et libertés devant être tout spécialement garantis : "la protection des minorités et groupes potentiellement menacés". La constitution de la Republika srpska contient aussi des clauses stipulant que "les citoyens jouissent des mêmes droits, libertés et obligations, qu'ils sont égaux devant la loi et ont droit à la même protection juridique sans égard à leur race, sexe, langue, ou appartenance nationale..." (article 10), et que "chaque citoyen a le droit d'exprimer en toute liberté sa culture nationale et d'utiliser sa langue et son propre alphabet." (article 34).

On peut citer, à titre d'exemple positif, du point de vue du traitement des minorités nationales en Bosnie-Herzégovine, le fait que le gouvernement de B-H (dont les actes législatifs ne sont applicables pratiquement qu'au sein de la Fédération) a déjà ratifié la Convention internationale sur la protection des minorités nationales, ainsi que la Charte Européenne sur les langues régionales ou langues des minorités. (Journal officiel - B-H. Edition spéciale, Accords internationaux, n° 4, du 30.09.1996).

Si l'on tient compte du fait que le pays sort à peine de la guerre, tout ceci tend à prouver que, juridiquement parlant, le problème des minorités nationales a été résolu de manière satisfaisante. Mais le climat prévalant en Bosnie-Herzégovine n'est guère favorable à l'expression des droits de ces minorités. D'une manière générale, pour ce qui est des droits de l'homme et des libertés élémentaires, la situation est loin d'être satisfaisante. De même, vu l'extrême cruauté de l'agression contre la B-H et de la guerre entre ses trois peuples, le problème des droits et de la situation des minorités nationales s'est vu relégué au second plan. La seule exception étant la petite communauté juive, très active pendant la guerre et qui a tout fait pour faire respecter les droits de ses coreligionnaires. Les changements démographiques enregistrés en Bosnie-Herzégovine au cours de la guerre et qui ont tendance à s'accentuer (exilés, réfugiés, migration en général), ont profondément modifié l'image ethnique de la Bosnie-Herzégovine. On estime qu'en B-H, les territoires contrôlés par les trois armées ont déjà été "purifiés" à 85%. Situation qui pourrait bien entraîner l'homogénéisation totale de ses peuples, c'est-à-dire leur séparation.

En raison de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et des caractéristiques générales d'une guerre cruelle en B-H, l'optique politique, le droit public et le traitement accordé au peuple ont connu une véritable transformation. Dès le déclenchement de ce processus et jusqu'à présent, on a vu se développer et s'imposer, de manière drastique, le concept de l'Etat-nation, en tant que forme institutionnelle de la "majorité", les ressortissants d'autres peuples étant réduits au rang de minorité nationale.

Ce concept politique a "contribué" à modeler la constitution de la B-H élaborée à Dayton, selon laquelle chacun de ses trois peuples est partie constituante de l'Etat de B-H, tout en n'étant pas considéré, sur la moitié de son territoire, comme un peuple constitutif (dans l'une des deux entités). Ce qui fait que l'organisation de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et l'ensemble de ses pouvoirs sont en fait fondés exclusivement sur la prédominance du facteur national. La conséquence étant, entre autres, que seuls sont vraiment égaux ceux des citoyens qui vivent dans l'entité où "leur" peuple est majoritaire (dans la Fédération, les Boshniaques et les Croates mais non les Serbes ; en Republika Serpska, les Serbes mais non les Boshniaques et les Croates). Et les citoyens qui n'appartiennent pas au peuple constitutif d'une entité donnée se voient privés d'un grand nombre de leurs droits constitutionnels.

Selon la constitution, certaines fonctions, tant dans les organes centraux de l'Etat que dans ceux des entités, sont fermées aux ressortissants du peuple constitutif de l'autre entité. Quant à celles qui leur sont accessibles, juridiquement parlant du moins, il leur est difficile, vu qu'ils sont minoritaires, d'exercer la moindre influence. Ces citoyens se voient refuser le droit d'utiliser leur langue et leur alphabet de manière officielle. Il n'est fait aucune mention de leur nation sur l'emblème, le drapeau et autres symboles étatiques. En Bosnie-Herzégovine, les trois pouvoirs nationalistes ont procédé pendant la guerre au licenciement systématique des employés n'appartenant pas à "leur "peuple, et ceci surtout pour les postes dirigeants (dans les organes de l'Etat et la fonction publique, ainsi que la vie économique).

L'une des caractéristiques de la position actuelle des citoyens de Bosnie-Herzégovine qui se retrouvent, objectivement parlant, avec le statut de minorité, est qu'ils sont géographiquement très dispersés, ce qui rend plus difficile la solution de leur problème. Il n'est pas aisé, dans ces conditions, d'assurer l'activité des institutions, mécanismes et instruments internationaux, d'autant plus que ceux-ci, et avec raison, ont plutôt tendance à considérer ces minorités comme partie intégrante du peuple de l'entité voisine, comme un ensemble compact, vivant sur un territoire donné.

La conclusion étant que que l'égalité dans la réalisation et la préservation des droits de l'homme et libertés élémentaires en Bosnie-Herzégovine n'est assurée ni aux minorités nationales qui y vivent, ni aux ressortissants de ses peuples constitutifs. Il s'agit, en fait, d'un processus rétrograde consistant à transformer un peuple en minorité, et il serait illusoire de s'attendre à ce que les principes internationaux élémentaires régularisant la position et que les droits des minorités "classiques" puissent être mis en oeuvre.

Le droit des minorités découlant inéluctablement et principalement de la situation générale en matière de droits de l'homme et des libertés élémentaires, la revitalisation de ces droits et libertés est la condition sine qua non à toute amélioration et protection de leurs droits. L'une des conditions fondamentales pour y parvenir est de s'assurer que la position légale des trois peuples constitutifs soit pleinement définie dans la constitution, dans le plein respect de la totale égalité de l'ensemble des citoyens en Bosnie-Herzégovine. Ce qui n'est pas le cas actuellement, et de loin. Au contraire, on peut craindre une homogénéisation nationale, où les membres de l'un ou deux (de ces trois peuples) se transformeront, par le nombre et les droits, en une véritable minorité nationale dans l'entité où ils n'ont pas le statut de peuple constituant, ce qu'aucune partie de la population locale n'a jamais connu dans l'histoire moderne de la B-H.

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